Nous parlons souvent de la minéralité de Paris ainsi que de la nécessité de végétaliser toujours davantage dans le cadre du changement climatique. Nous avons en revanche rarement l’occasion d’aborder aussi pleinement la question de son animalité, dans le sens où Paris regorge en réalité d’une faune diverse et précieuse qu’il nous appartient de préserver.
En effet, la biodiversité parisienne, ce sont 2 800 espèces végétales et animales recensées entre 2010, 250 000 chats et 100 000 chiens domestiques et une kyrielle de « nouveaux animaux de compagnie » de tous ordres, mais aussi 154 espèces d’oiseaux et plus de 32 espèces de poissons. À cela s’ajoutent tous les autres animaux sauvages, commensaux ou liminaires avec qui nous partageons l’espace parisien et qui composent la part non-végétale du vivant dans notre écosystème.
Ce foisonnement de vie est aussi un équilibre fragile. Nous le savons, la diversité du vivant est menacée partout par l’anthropocène, et la crainte d’une nouvelle crise d’extinction biologique massive est bien réelle. Si la survie des tigres ne se joue sans doute pas à Paris, nous aurions tort, pour autant, de négliger la faune parisienne ou de ne pas préserver sa diversité – car la chaîne de nos interdépendances n’est jamais aussi forte que le plus faible de ses maillons.
Mais donner toute sa place aux animaux, ce n’est pas se contenter de les laisser vivre dans une indifférence bienveillante : il faut aussi faire toute sa place au lien que nous pouvons avoir à ces derniers, que ce soit le lien de renforcement mutuel comme avec les animaux domestiques, lien à préserver et renforcer, mais aussi quand ce lien peut devenir abusif, lorsque nous les exploitons de manière brutale, auquel cas il faut poser une limite.
C’est pour aborder de front ces différentes dimensions de la place de l’animal de notre ville que mon groupe politique, Paris en Commun, et son président, Rémi Féraud, ont souhaité déposer la niche que nous examinons aujourd’hui : ce texte s’appuie bien sûr sur tout le travail déjà engagé par la ville, notamment sous l’égide de Pénélope Komitès avec la stratégie Animal en Ville dans la dernière mandature, et sur les grands axes prioritaires affirmés par Christophe Najdovski dans le cadre de sa délégation qui intègre explicitement, pour la première fois, la biodiversité et la condition animale. S’agissant du bilan, je voudrais aussi signaler le travail que nous avons engagé dans le 19e pour créer une réserve naturelle dans la Darse du Rouvray, et qui vient d’aboutir. Mais ce travail rejoint aussi une aspiration profonde et partagée par l’ensemble des Parisiennes et des Parisiens, et je sais, pour avoir moi-même pris fait et cause pour les animaux à Paris depuis longtemps, que l’ensemble des groupes ici représentés y sont sensibles, indépendamment de leurs couleurs politiques. Ce soutien a été porté par plusieurs vœux ou propositions effectués au fil des séances : la volonté de cette niche n’est pas de les supplanter, mais de réunir leur esprit dans un texte d’ensemble cohérent et touchant tous les aspects ces différentes perspectives.
Il est donc bien évidemment ouvert aux ajouts et enrichissements proposés par les uns et les autres, et je remercie tous les groupes qui nous ont fait parvenir des amendements, qui me semblent tous aller dans le bon sens, sous réserve bien entendu de leur faisabilité et d’éventuels amendements sollicités par l’exécutif le cas échéant.
Dans ce texte, que proposons-nous ?
Nous proposons tout d’abord de promouvoir et d’accompagner la relation entre humains et animaux à Paris, car nous sommes convaincus que c’est par ce lien que nous pourrons au mieux sensibiliser les Parisiennes et les Parisiens aux besoins et au bien-être de l’ensemble des animaux. Pour cela, nous entendons répondre aux situation de détresse des maîtres qui n’ont pas la capacité financière de faire face aux soins vétérinaires essentiels pour leur animal en soutenant l’ouverture d’un lieu dédié, en lien avec les associations spécialisées. Focalisé sur l’accès aux soins vétérinaires pour les personnes les plus précaires, ce lieu peut aussi être utilisé pour d’autres initiatives connexes, comme l’accompagnement des populations de chats errants. Comme vous le savez, nous soutenons des associations pour ce faire, bien que la responsabilité en échoie à la Préfecture de police : pouvoir mettre à leur disposition un lieu aiderait grandement leur travail nécessaire. Ce lieu pourrait en outre accueillir des événements de sensibilisation plus générale du grand public à la condition animale – et j’en profite pour vous signaler l’excellente exposition « Paris animal » en cours au Pavillon de l’Arsenal. Outre ce lieu dédié, nous proposons d’amplifier ce qui est en cours actuellement, notamment les expérimentations dans les Ehpad suivies par Véronique Levieux et ses services, qui visent à utiliser pleinement, dans le respect des besoins des animaux, le potentiel thérapeutique de la présence d’animaux de compagnie dans ces lieux. À l’image de ce travail, il nous semblerait pertinent d’envisager cette dimension pour d’autres lieux accueillant des personnes, notamment isolées, précaires, âgées ou vulnérables. Et plus généralement, il faut bien entendu continuer et amplifier la communication sur les outils et ressources à destination de toutes celles, de tous ceux qui ont des animaux, notamment l’excellente carte « j’ai un animal chez moi » et le déploiement d’espaces canins dans les espaces verts pertinents de notre ville ;
Ensuite, il nous semble évidemment essentiel d’envisager les animaux plus largement que les seuls animaux domestiques, et donc de renforcer cette biodiversité et la place de l’animal dont je parlais à l’instant, et qui, je le rappelle, est citoyenne d’honneur de la Ville de Paris depuis 2016. Pour cela, il nous semble prioritaire d’abord de consacrer explicitement une ligne budgétaire aux actions en direction de la biodiversité et du bien-être animal, pour plus de clarté et de pérennité. Nous devons également en ce sens continuer les actions envers des espèces animales ciblées, comme nous le faisons pour les moineaux, et intégrer la réflexion sur les conséquences en matière de biodiversité des projets de construction par le biais de l’outil « Biodivscore ».
Enfin, nous entendons engager un travail plus large pour promouvoir le respect et le bien-être de tous les animaux à Paris, aussi bien par le développement et le partage de bonnes pratiques à l’échelle locale que par l’identification de marges de manœuvre et besoins au niveau de la loi. Ces pratiques peuvent s’appuyer, au niveau local, sur la charte du bien-être animal à Paris et par un renforcement de la formation au repérage des maltraitances animales à Paris. Elles peuvent aussi s’inspirer de ce qui est engagé dans d’autres villes engagées sur le sujet en France, et donc s’appuyer sur un travail de réflexion commune et de partage – et c’est de cette réflexion que peut ressortir une expertise et des propositions à destination du législateur.
Ces grands axes permettent, me semble-t-il, de donner un sens plein et entier au lien qui nous unit aux animaux et à la considération que nous leur devons. Loin d’être des « nuisibles » ou des simples possessions, les animaux sont doués de sensibilité, c’est ainsi que le formule notre droit. Parce que nous sommes humains, nous nous devons d’accorder de la valeur à cette sensibilité, et de rejeter la violence envers les animaux, leur exploitation brutale ou le mépris absolu envers leur existence et leurs besoins. C’est en réfléchissant ensemble, entre nous et avec d’autres villes confrontées aux mêmes enjeux, que nous pourrons progresser dans notre intérêt commun.